vendredi 23 février 2018

Le mythe teint en blond

Un groupe exceptionnel

Les quadras se sont époumonés sur L’Aventurier, que tout le monde connaît par cœur aujourd’hui. Les trentenaires ont vibré aux grosses guitares et sons électro d’Oli de Sat sur l’excellentissime album Paradize. Et les moins de vingt-ans ne peuvent ne pas connaître les tubes des années 80 ou singles de ces années 2010. Alors rien d’étonnant à ce que les places pour ce monumental 13 Tour d’Indochine se soient vendues comme des petits pains.
Rappelons que le concert de 2014 au Stade de France à l’occasion du Black City Tour a lui aussi affiché complet en un temps record. Depuis le 5 décembre 2017, on ne compte plus que deux artistes français - partant du principe qu'Indochine=Nicola Sirkis - à remplir le Stade de France. La parité est aussi bien respectée que le doux paradoxe qui les rapproche, puisque les deux plus grandes stars françaises se caractérisent par leur timidité, voire leur mystère.

NB : oui, oui, les Insus ont terminé leur tournée de 2017 par un concert au Stade de France, mais il s'agit là d'un groupe bicéphale !

Depuis leur meilleur album
À 15 ans, je passais des après-midi entiers à danser et chanter devant le sublime 3.6.3, grâce auquel j’ai pu découvrir d’immenses chansons de générations précédentes comme Miss Paramount ou Punishment Park.
Mais pour nous, cet Indochine du 3.6.3, c’était un retour en grosses pompes goth avec l’album Paradize, l’album le mieux vendu de l’histoire du groupe. Cet Indochine-là, c’était toute une - courte - époque. Celle où le rock et le look gothique étaient redevenus à la mode dans les années 2000, notamment avec des artistes torturés et provocateurs, comme Placebo et surtout Marilyn Manson auquel Sirkis rend hommage dans une chanson éponyme.
Une croix inoubliable – très proche de celle de l’album 13, un chanteur aux traits adolescents et cheveux couleur corbeau décoiffés avec arrogance et des clips à l’ambiance sombre : tous les ingrédients étaient réunis pour transformer en opus mythique une succession de très bonnes chansons.
Quiconque suit le groupe depuis le début ou s’intéresse un tantinet à son évolution ne peut qu’être d’accord avec ce constat : il y a un avant et un après Paradize. Musicalement, il n’a rien à voir avec l’Indochine des débuts, avec les cloches chinoises et sons de Dominique Nicolas, particulièrement audibles dans le gong d’une chanson comme Le Baiser.
Mais ce compositeur de génie ayant quitté le groupe dès 1994, une telle différence musicale ne saurait expliquer à elle seule le tournant que constitue Paradize. En effet, il reste les années 90 ! Les sons de Wax (Kissing my Song),

et surtout de Dancetaria (Stef II, Astroboy avec une interprétation marquante dans le 3.6.3)




sont déjà très proches de l’album qui suivra. Logique, puisque Oli de Sat a fait les arrangements de Danceteria et composé la quasi-totalité des morceaux de Paradize.

Bon alors, Ed, pourquoi y aurait-il un avant et un après ce dernier si la raison n’est pas musicale ? Et bien tout simplement parce que le succès n’est pas comparable. Certes, Indochine a toujours eu, à la fois objectivement et selon les propos répétés de Nicolas Sirkis, « le meilleur public du monde », mais entre les petit concerts de la tournée Nuits Intimes et le Bercy de ce fameux 3 juin 2003...vous avouerez que cet album a agi comme un sacré bulldozer. Oubliée la ringardisation du groupe par la presse : les chiffres, les records – de vente d’album et de remplissage de Bercy pour un groupe français – forceront tout ce petit monde médiatique à mettre ses moqueries de côté pour s’incliner devant l’« âme » Indochine et l’éternelle jeunesse de son leader charismatique et adoré.
Comme si cela ne suffisait pas, ce dernier veut rendre à son public ce qu’il lui a donné et se bat pour maintenir des places à 30 € ; 40 seulement pour le 13 Tour au dispositif pourtant monstrueux.

Le 13 Tour – show du 17.01.2018 à l’AccorHotels Arena
Pour savoir de quoi on parle, tapons directement dans le factuel. Voici donc la set list du concert :
https://www.setlist.fm/setlist/indochine/2018/accorhotels-arena-paris-france-4bee2b92.html

Les premiers articles sur le concert d’ouverture de la tournée, à Epernay, ont trahi une petite révolution dans l’histoire du groupe. Monsieur Sirkis a décidé, à 58 ans, comme ça sans prévenir personne, de se teindre les cheveux en blond platine. Surprise : ça lui va à ravir. Comme quoi. L’hommage assumé à David Bowie ne s’est pourtant pas limité à une simple couleur de cheveux puisque les chansons du Thin White Duke retentissaient dans l’immense salle parisienne juste avant l’arrivée d’Indochine. Immense ? Oui. Surtout avec la configuration en place – rappelons que la scène est modulable – et lorsqu’on se retrouve tout en haut, à des années lumières de la scène. La position de plongeon dans la foule était vertigineuse et donc plutôt désagréable pour un concert. En arrivant à sa place, on imagine que l’on va s’habituer, mais rien n’y fait : je suis restée légèrement mal à l’aise jusqu’à la fin du concert. L’acoustique et la situation géographique de cette salle ont beau être excellentes, les places en gradin me semblent bien trop « verticalisées » par rapport aux autres enceintes à forte capacité que je connais (ex : BarclayCard Arena de Hambourg, Galaxie d’Amnéville).

Les aspects pratiques ainsi évacués, passons au vif du sujet.
L’introduction intersidérale au concert était matérialisée par l’imitation d’une soucoupe volante au plafond, dont nous n’avons pu profiter compte tenu de notre positionnement, j’insiste, peu avantageux. Or ce petit spectacle son et lumière, sans doute magnifique, n’en finissait pas d’introduire la chanson Black Sky
et l’arrivée – enfin ! – de Son Goku transformé en Super Saiyan. Vêtu d’une sobre petite veste noire à paillettes, le Dorian Gray du rock français était plus élégant et sexy que jamais. Après avoir enchaîné tranquillement quelques titres de 13, dont le tube La vie est belle 
et les deux meilleures chansons du très bon Alice&June, il a fendu la foule et monté les gradins pour un Tes yeux noirs « tout en émotion ».
Vous suivez toujours la set list ? Bien. Alors vous vous imaginez que le public - de tous les âges, de tous les styles et de toute la France – s’est déchaîné au numéro 15 ? Supputation validée, sans surprise.
Même si, petite déception personnelle, l’écrasante majorité des titres était issue de l’album 13 avec seulement deux chansons de Paradize, ces dernières ont été magistralement interprétées. La version acoustique d’Electrastar, première chanson de rappel  marquait ni plus ni moins que le summum de ce concert à mes yeux.
L’indétrônable J’ai demandé à la lune a quant à elle bénéficié d’une très jolie mise en scène avec avancée des deux guitaristes tout au bout de la branche principale de la croix scénique pour rejoindre Nicola. 
Ensuite, deux des plus grand tubes historiques du groupe se sont enchaînés – Trois nuits par semaine et L’aventurier. Le public le plus divers qui soit jubile.
Alors pour conclure, je dirais que ces deux heures et demie ne pouvaient être mauvaises puisqu’il s’agit d’Indochine, le plus grand groupe français. La force de ses chansons, de l’interprétation de certaines d’entre elles par un Nicola en position allongée et la beauté des images diffusées sur écran géant nous ont forcées à passer outre les beaufs du rang juste devant nous, la chute parfaitement horizontale quatre rangées plus loin du beauf en chef – quand je parlais de configuration trop vertigineuse des gradins ! -, leur odeur insupportable de bière et de conséquences aérophagiques intempestives, sans parler de la cigarette du beauf adjoint avant son expulsion définitive par la sécurité. Oui, la qualité du spectacle m’a bien fait passer outre toute cette merde. Alors merci la légende Nicola. Oui tu as un « putain de public », non cette tournée n’est pas « trop fatigante pour ton âge » car tu n’as pas d’âge. Un mythe n’a pas d’âge.


Conclusion :

Pour des raisons d’emplacement, de préférences personnelles en matière de chansons et de contingences insupportables évoquées dans le paragraphe ci-dessus, ce concert n’arrive tout de même pas à la cheville du précédent pour 2018.

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